Etat de Choc
Définition
L'état de choc correspond à une insuffisance circulatoire aiguë.
Trois mécanismes physiopathologiques interviennent dans la constitution d'un état de choc :
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hypovolémie absolue (choc hémorragique)
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hypovolémie relative par vasoplégie (choc anaphylactique)
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défaillance primitive de la pompe cardiaque (choc cardiogénique)
Il en résulte une hypoxie tissulaire par défaut d'apport en oxygène.
La physiopathologie du choc septique est plus complexe, associant ces trois mécanismes à l'origine d'un trouble majeur de la microcirculation responsable d'une mauvaise utilisation de l'oxygène dans les tissus.
Mécanisme
CHOC CARDIOGENIQUE
Etat de choc caractérisé par la chute initiale du débit cardiaque (index cardiaque < 2 l/mn/m2) associée à une augmentation des pressions d'amont (pression capillaire > 14 mmHg) se traduisant par l'apparition de signes congestifs gauches et/ou droits. L'hypoxémie est due a un défaut d'apport en oxygène. Différents mécanismes physiopathologiques peuvent intervenir et sont fréquemment associés :
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Baisse de la contractilité myocardique : cas le plus fréquent
Infarctus avec nécrose étendue, Cardiopathie dilatée, Iatrogène (intoxication aux bêtabloquants) ...
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Anomalie de l'écoulement sanguin intracardiaque :
Valvulopathie aigue ou chronique décompensée,...
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Communication inter-ventriculaire (compliquant un IDM)
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Bradycardie ou tachycardie extrême
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...
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CHOC SEPTIQUE
Insuffisance circulatoire aiguë témoin d'une réponse inflammatoire systémique résultant de l'action d'un agent microbien et des substances toxiques qu'il sécrète.
La physiopathologie du choc septique est complexe, associant anomalies cardiaques et
vasculaires, avec pour conséquence principale une distribution anormale du sang dans la microcirculation d'où le terme de choc "distributif". L’oxygène mal distribué dans les tissus est utilisé de façon hétérogène, ce qui explique que la différence artério-veineuse en oxygène reste normale (contrairement aux autres types de chocs).
Deux phases se succèdent :
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Hyperkinétique (choc "chaud"), pendant laquelle l'augmentation du débit cardiaque arrive à compenser la baisse des résistances vasculaires.
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Hypokinétique correspondant à la chute du débit cardiaque, consécutive a L' action ionotrope négative des médiateurs libérés par l' inflammation.
Étiologies :
- Etat septique grave avec septicémie ou bactériémie, quelque soit la porte d entrée et le site infecté.
- Rôle favorisant d'une immunodépression.
CHOC HEMORRAGIQUE
Insuffisance circulatoire aiguë secondaire à une perte brutale et importante de la masse sanguine.
Hypovolémie absolue (moins bien tolérée que l'anémie), baisse des pressions de remplissage et chute du débit cardiaque. Hypoxie tissulaire par défaut d'apport.
Étiologies :
- Hémorragies internes ou extériorisées (Hémorragies digestives, Traumatismes avec hémothorax,...)
- Rôle favorisant d'un trouble de l'hémostase.
CHOC ANAPHYLACTIQUE
Réaction anaphylactique gravissime et brutale (type 1 de la classification de Gell et Coombs) survenant après contact avec un allergène pour lequel le sujet à été préalablement sensibilisé. Le choc est secondaire à libération de médiateurs vasoplégiants, et l'hypoxie consécutive à un défaut d’apport en oxygène dans les tissus.
Examen Clinique
SIGNES GENERAUX
Il existe une insuffisance circulatoire aiguë se traduisant par :
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Hypotension artérielle (classiquement PAS < 80 mmHg, +/- différentielle pincée)
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Oligo-anurie (< 30ml/h) à confirmer par sondage vésical (secondaire à l’hypoperfusion rénale)
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Tachycardie avec pouls filant
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Troubles de la conscience (confusion, agitation, désorientation) par hypoperfusion cérébrale
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Polypnée signant l’acidose métabolique, éventuellement aggravée par un oedème pulmonaire
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Cyanose
Le plus souvent associée à des signes de vasoconstriction cutanée (pouvant manquer à la phase initiale d’un choc septique hyperkinétique : choc "chaud")
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Marbrures cutanées (débutant aux genoux, pouvant se généraliser)
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Temps de recoloration cutané allongé (> 3 secondes)
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Extrémités froides
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Teint livide
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Sueurs (consécutives à la libération de catécholamines)
SIGNES SPECIFIQUES
Identifier la cause du choc:
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Valeur du contexte (polytraumatisé, douleur thoracique, contact avec allergènes, syndrome septique)
Sont en faveur d’un mécanisme :
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Septique : Fièvre, Frissons, Hypothermie, signes infectieux focalisés.
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Hémorragique : Pâleur cutanéo-muqueuse, Hémorragie extériorisée ou occulte (touchers pelviens systématiques ainsi que la recherche de sang dans le liquide gastrique), Traumatisme hypochondre gauche (rupture de rate).
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Cardiogénique : Signes d’insuffisance cardiaque gauche et/ou droite, Phlébite, Anomalie auscultatoire (souffle, galop). Phlébite, Pouls paradoxal.
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Anaphylactique : Rash cutané (urticaire), Œdème de Quincke, Bronchospasme, Dyspnée laryngée, douleurs abdominales, nausée.
Examens Complémentaires
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Gaz du sang : acidose métabolique avec Hyperlactacidémie (lactates > 2mmol/l)
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lonogramme sanguin et urinaire : insuffisance rénale fonctionnelle ou organique (nécrose tubulaire)
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Cytolyse, cholestase hépatique
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NFS-Plaquettes : anémie (hémorragie, hémolyse), hyperleucocytose, neutropénie ou thrombopénie (septique, allergique),
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INR, TCA, Fibrinogène : recherche d'une CIVD (choc septique ou anaphylactique)
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Enzymes cardiaques (CPK, Myoglobine, Troponine)
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...
Traitements
MESURES GENERALES
Hospitalisation en réanimation
• Laisser à jeun initialement .
• Poser deux voies veineuses périphériques de bon calibre, voir une voie veineuse centrale
• Poser éventuellement un cathéter artériel (monitorage invasif Sa02, TA)
• Sondage urinaire par sonde urétrale
• Prélèvements sanguins
• ECG et Radio Pulmonaire au lit
• Correction hypoxie : 02 sonde nasale à fort débit, ventilation assistée au besoin (intubation ou trachéotomie si impossible)
TRAITEMENT DU CHOC CARDIOGENIQUE
1- Avant tout étiologique :
- IDM : angioplastie (supérieure à la fibrinolyse)
- Valvulopathies : remplacement valvulaire
- Embolie pulmonaire : fibrinolyse voir embolectomie chirurgicale
- Tamponnade : ponction ou drainage
2- Correction des facteurs aggravants :
- Arrêt des traitements inotropes négatifs, bradycardisants et vasodilatateur
- Bradycardie : mise en place d'une sonde d'entraînement électro-systolique
- Réduction d'un trouble du rythme rapide par cardioversion électrique ou médicamenteuse (l'amiodarone étant le seul anti-arythmique non inotropes négatif)
- Hypovolémie (consécutive à un traitement diurétique ou vasodilatateur préalable) : a corriger très prudemment (100 à 200 cc de colloïdes sur 20 minutes) en l'absence des signes congestifs pulmonaires et sous surveillance très rapprochée (auscultation pulmonaire, saturation, pression capillaire pulmonaire ou besoin). A part : choc cardiogénique par défaillance ventriculaire droite justifiant un remplissage abondant.
- Acidose : aucun intérêt à la corriger systématiquement (par bicarbonates) sauf hyperkaliémie symptomatique
3- Traitements inotropes positifs
Toutes les drogues à effet beta1-stimulant (dobutamine, dopamine, Isoprénaline, adrénaline) peuvent être utilisées. Cependant, c'est la dobutamine (Dobutrex) qui est le traitement de choix en raison :
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d'un effet ionotrope positif plus puissant
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d'effets délétères moindres (tachycardie minime ou modérée, arythmogénicité faible, ...)
Modalités d'utilisation de la dobutamine :
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Débuté à faibles doses : 5 gamma/kg/min à le Seringue Electrique. Augmentation progressive par paliers de 2.5 à 5 gamma/kg/mn => Jusqu'à obtention d'une réponse hémodynamique correcte (PAM > 70 mmHg, disparition des marbrures, diurèse > 60ml/h)
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Sous surveillance continue de la tension artérielle et du rythme cardiaque au scope. Eventuellement associé à la Dopamine à dose "cardiaque" soit 5 gamma/kg/min si la Tension Artérielle reste basse sous dobutamine.
4- Assistance circulatoire
- A envisager lorsque l'état de choc est rebelle à un traitement bien conduit
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Ballonnet de contre-pulsion intra-aortique :
Il s'agit d'un ballonnet positionné par voie artérielle rétrograde dans l’aorte descendante en aval de l'émergence de la sous-clavière gauche, relié à une pompe externe, synchronisé au cycle cardiaque (par ECG ou pression intra-aortique).
Se gonfle en diastole (améliore la perfusion cérébrale et coronaire) et se dégonfle en systole (chute brutale de la post-charge) d'ou augmentation du débit et diminution du travail cardiaque.
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Hémo-pompe
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Coeur artificiel externe avec assistance uni ou bi-ventriculaire
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Greffe cardiaque
TRAITEMENT DU CHOC SEPTIQUE
Sa gravité justifie un traitement agressif et rapide comprenant :
1- Antibiothérapie :
Débutée après réalisation d’au moins deux hémocultures, double ou triple, parentérale, à large spectre, synergique et bactéricide sur les germes suspectés, secondairement adaptée aux résultats des prélèvements bactériologiques
2- Remplissage vasculaire
Etape initiale et obligatoire à la restauration d’une volémie et d’une pression de perfusion efficace
Classiquement :
=> colloïde ou équivalent
=> 500 cc / 20 minutes, à répéter selon tolérance et réponse hémodynamique => Transfusion érythrocytaire si hématocrite < 30%
3- Catécholamines
Si persistance de signes de choc malgré remplissage bien conduit (PVC > 8 mm Hg) ou mal toléré (OAP)
L’objectif du traitement est de corriger la vasoplégie (effet alpha+) et le défaut d’inotropisme (effet Beta+).
Le choix des molécules dépend de la situation hémodynamique (en sachant que la situation est mixte le plus souvent) :
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Noradrénaline ou Dopamine en phase hyperkinétique,
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Dobutamine en phase hypokinétique.
Classiquement :
=> Noradrénaline (Lévophed )
=> 0,05 à 0,5 gamma/kg/min en IVSE
Si échec :
= Associer Dobutamine 5 à 10 gamma/kg/min
Exploration hémodynamique invasive pour optimiser le traitement (remplissage,catécholamines,...)
TRAITEMENT DU CHOC HEMORRAGIQUE
Doit rapidement rétablir une volémie efficace et assurer une oxygénation satisfaisante.
Objectifs :
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PAS > 90
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Hématocrite > 30%
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Eviter les complications des transfusions massives : hypocalcémie, hyperkaliémie, coagulopathie de dilution, ...
Schéma thérapeutique :
- Perte sang < 25% masse sanguine totale :
rétablir volémie : Colloïdes ou cristalloïdes 500 cc / 20 mn à renouveler si besoin
- Perte sang = 25-50% masse sanguine totale :
rétablir volémie et oxygénation :
- Colloïdes ou cristalloïdes 500 cc / 20 mn à renouveler si besoin
- Transfusion de culots érythrocytaires (cf. formule)
- Perte sang = 50-100% masse sanguine totale :
rétablir volémie et oxygénation, corriger les troubles de la coagulation :
Colloïdes ou cristalloïdes 500 cc / 20 mn à renouveler si besoin
Transfusion de culots érythrocytaires (cf. formule)
Plasma vivo inactivé (apports de facteurs de coagulation)
• Volume à transfuser en cc :
(Hématocrite souhaité - Hématocrite observé)* poids(kg)
Ou (Hémoglobine® souhaitée - Hémoglobine® observée ) * poids(kg) *3.5
(En sachant que 1 culot érythrocytaire = 250 cc = +1,2 pt d'Hb = +3 % d'Ht)
• Prescriptions associées :
- Traitement de la lésion hémorragique.
- Correction d'un trouble de la coagulation (AVK, Héparine, Hémophilie) ou de l'hémostase (transfusion plaquettaire si < 50 000 plaquettes). Transfusion de fibrinogène si taux < 0. 5 g/l.
- Correction des hypocalcémies symptomatiques (ECG) : Chlorure de Calcium, 1 ampoule
de 10 ml en IV.
TRAITEMENT DU CHOC ANAPHYLACTIQUE
1- Suppression de l'allergène
2- Adrénaline
D'autant plus efficace qu'administré tôt.
Lutte contre la vasoplégie (effet alpha+), la bronchoconstriction (effet beta 2 +) et renforce le inotropisme par l'effet beta 2+.
Modalités :
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Adrénaline 0. 5 à 1 mg dans 10 ml de sérum physiologique.
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Au mieux en intraveineux direct, sinon en sous-cutané ou intramusculaire (agit moins vite avec risque de nécrose cutanée au point d'injection) a l'aide d’un kit auto- injecteur.
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Répété au besoin toutes les 5 minutes.
3- Corticoïdes
Inutile à la phase aiguë, étant donné leur délai d'action mais fréquemment associés pour
corriger les réactions œdémateuses
Classiquement ; Hémisuccinate d'hydrocortisone IVD, 100 mg toutes les 4 h jusqu’à sédation des symptômes, puis traitement d'entretien adapté à l'évolution.
4- Remplissage vasculaire
- Très utiles à la phase initiale en association avec l’adrénaline
- Colloïdes 500cc/10 mn à répéter si besoin